vendredi 18 juin 2010

Soutenir Israël : s’il tombe, nous tombons tous

Par Jose-Maria Aznar, Premier Ministre d'Espagne de 1996-2004
Publié dans "The Times" du 17 juin 2010.
Traduction française: Albert Capino

La colère au sujet de Gaza est un leurre. Nous ne pouvons pas oublier qu'Israël est le meilleur allié de l'Occident dans une région agitée.

Pendant trop longtemps en Europe, il n’a pas été à la mode de prendre la parole en faveur d'Israël. Dans la foulée de l'incident survenu récemment à bord d'un bateau rempli de militants anti-israéliens en Méditerranée, il est difficile de penser à une cause plus impopulaire à promouvoir.

Dans un monde idéal, l'assaut par des commandos israéliens sur le Mavi Marmara n'aurait pas fini avec neuf morts et une vingtaine blessés. Dans un monde idéal, les soldats auraient été accueillis avec calme sur le navire. Dans un monde idéal, aucun Etat, encore moins un allié récent d'Israël comme la Turquie, n’aurait parrainé et organisé une flottille dont le seul but était de créer une situation impossible pour Israël: le choix entre renoncer à sa politique de sécurité et le blocus maritime, ou risquer la colère du monde.


Dans nos rapports avec Israël, il faut faire abstraction des bouffées de colère qui trop souvent obscurcissent notre jugement. Une approche raisonnable et équilibrée doit intégrer les réalités suivantes: premièrement, l'Etat d'Israël a été créé par une décision de l'ONU. Sa légitimité, dès lors, ne devrait pas être remise en cause. Israël est une nation où la démocratie est profondément enracinée dans les institutions. Il s'agit d'une société dynamique et ouverte qui, à plusieurs reprises, a excellé dans la culture, la science et la technologie.
Deuxièmement, en raison de ses racines, son histoire et ses valeurs, Israël est une nation occidentale à part entière. En fait, c'est une nation aux normes occidentales, mais confrontée à des circonstances hors normes.

Fait unique en Occident, elle est la seule démocratie dont l'existence a été contestée depuis sa création. Dans un premier temps, elle a été attaquée par des voisins utilisant des armes de guerre conventionnelles. Ensuite, elle a fait face au terrorisme culminant de vague en vague d'attentats suicide. Maintenant, à la demande des islamistes radicaux et leurs sympathisants, elle fait face à une campagne de délégitimation à travers le droit international et la diplomatie.

Soixante-deux ans après sa création, Israël se bat toujours pour sa survie. Punie par une pluie de missiles au nord et au sud, menacée de destruction par un Iran visant à acquérir des armes nucléaires et pressés par ses amis et ses ennemis, Israël, semble bien ne jamais avoir connu un moment de paix.

Pendant des années, l'attention de l’Occident s’est tout naturellement portée sur le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Mais si Israël est en danger aujourd'hui et que toute la région glisse vers un avenir inquiétant, ce n'est pas en raison de l'absence d'accord entre les parties sur la façon de résoudre ce conflit. Les paramètres d'un éventuel accord de paix sont clairs, malgré la difficulté que les deux parties peuvent ressentir à consentir l’effort final en vue d'un règlement.

Les véritables menaces pour la stabilité régionale se trouvent dans la montée d'un islamisme radical qui voit la destruction d'Israël comme l'accomplissement de son destin religieux et, en même temps dans le cas de l'Iran, comme l'expression de ses ambitions d'hégémonie régionale. Les deux phénomènes sont des menaces qui affectent non seulement Israël, mais aussi l'ensemble de l’Occident et le monde entier.

Le cœur du problème réside dans la manière ambiguë et souvent erronée par laquelle trop de pays occidentaux réagissent à cette situation. Il est facile de blâmer Israël de tous les maux au Moyen-Orient. Certains agissent même et parlent comme si une entente avec le monde musulman pouvait être réalisée si seulement nous étions prêts à sacrifier l'État juif sur un autel. Ce serait de la folie.

Israël est notre première ligne de défense dans une région turbulente qui est risque constamment de sombrer dans le chaos, une région vitale pour notre sécurité énergétique en raison de notre dépendance excessive du pétrole en provenance du Moyen Orient, une région qui forme la ligne de front dans la lutte contre l'extrémisme . Si Israël tombe, nous tombons tous.

La défense du droit d'Israël à exister en paix, dans des frontières sûres, exige un degré de clarté morale et stratégique qui trop souvent semble avoir disparu en Europe. Les États-Unis montrent des signes inquiétants d’une position qui va dans le même sens.

L'Occident traverse une période de confusion sur la forme que prendra notre monde à l'avenir. Dans une grande mesure, cette confusion est provoquée par une sorte de masochisme qui met en doute notre propre identité; par la règle du politiquement correct ; par un multiculturalisme qui nous met à genoux devant d’autres ; et par une laïcité qui, ironie du sort , nous aveugle, même lorsque nous sommes confrontés à des jihadistes qui incarnent la promotion la plus fanatique de leur foi. Abandonner Israël à son sort, en ce moment parmi tous les autres, ne servirait qu’à illustrer jusqu’où nous avons sombré et comme notre déclin apparaît maintenant inexorable.

On ne peut laisser cela se produire. Motivé par le besoin de reconstruire nos propres valeurs occidentales, exprimant ma profonde inquiétude au sujet de la vague d'agression contre Israël, et conscient que la force d'Israël est notre force et la faiblesse d'Israël est notre faiblesse, j'ai décidé de promouvoir une nouvelle initiative des Amis d'Israël avec l’aide de quelques personnalités, dont David Trimble, Andrew Roberts, John Bolton, Alejandro Toledo (ancien président du Pérou), Marcello Pera (philosophe et ancien président du Sénat italien), Fiamma Nirenstein (auteur et personnalité politique italienne), le financier Robert Agostinelli et l'intellectuel catholique George Weigel.

Notre intention n’est pas de défendre une politique spécifique ou un gouvernement israélien en particulier. Il est certain que les auteurs de cette initiative pourront parfois être en désaccord avec des décisions prises par Jérusalem. Nous sommes des démocrates, et nous croyons en la diversité.

Ce qui nous lie, toutefois, est notre soutien indéfectible au droit d'Israël d’exister et de se défendre. Pour les pays occidentaux qui se mettent aux côtés de ceux qui remettent en question la légitimité d'Israël, pour ceux qui se livrent à des jeux dans les instances internationales sur des questions essentielles liées à la sécurité d'Israël, pour ceux qui apaisent ceux qui s'opposent aux valeurs occidentales plutôt que de se dresser avec force pour la défense de ces valeurs, ce n'est pas seulement une grave erreur morale, mais une erreur stratégique de première ordre.

Israël est une partie fondamentale de l'Occident. L'Occident est ce qu'il est grâce à ses racines judéo-chrétiennes. Si la composante juive de ces racines est reniée et Israël est perdu, alors nous sommes perdus aussi. Que cela nous plaise ou non, nos destins sont inextricablement liés.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le Président AZNAR ne saurait mieux dire . Mais soyons encore plus précis : Imaginons un instant qu'Israel soit rayée de la carte, que se passerait-il alors ? Le fanatisme musulman qui prône que la fraternité n'a à exister qu'entre musulmans et qui est donc responsable aujourd'hui de 95% des conflits armés ouverts dans le monde sous couverts de revendications à l'autonomie ou à l'indépendance dans les régions souvent frontalières là où les musulmans sont devenus majoritaires dans le "nid" initial des autres, ces 95 % des conflits dont le conflit Israelo-palestinien n'est qu'un cas -certes très particulier car hyper médiatisé alors que les autres font au plus, de temps en temps, un entrefilet dans les journeaux - ces 95 % des conflits lancés par les peuples musulmans au nom du "droit à l'autodétermination" alors que ce même droit à autodétermination est dénié à Israel comme "foyer des Juifs" par la quasi totalité des pays musulmans, quelqu'un croit sérieusement sans crainte du ridicule que ces 95 % des conflits mondiaux s'arrêteraient ?
Pas du tout et c'est même le contraire qui se produirait : ce serait pour les islamistes de tous poils la démonstration qu'Allah est de leur coté et qu'il n'y a qu'à continuer de plus belle partout dans le monde puisqu'au fond c'est bien de cela dont il s'agit : la conquête du monde pour l'instauration de l'islam partout au nom d'Allah.
AZNAR a donc raison même s'il n'est pas allé jusqu'au bout du seul bon raisonnement à faire : on ne pactise pas avec le fanatisme, on doit l'éradiquer, car toute politique d'apaisement est comme celle d'un Daladier-Chamberlain vis à vis d'un Hitler en 1938 à Munich, cette politique d'apaisement sera toujours perçue comme de la faiblesse - a partir de déraison mise dans l'esprit adversaire- par les fanatiques, faiblesse dont il faut justement profiter, et ce qui les confortant dans la "justesse" de leurs "certitudes" et ici "guerre sainte".

Anonyme a dit…

Vous auriez peut-être pu prendre une référence plus crédible et sérieuse qu'un homme qui prend des islamistes pour des basques...

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