dimanche 29 juin 2008

Sarkozy en Israël: entre sincérité et compromis

par Alain Legaret, 29 juin 2008


Commençons tout d’abord par un bref retour sur la visite de George W Bush en Israël que nous pouvons synthétiser ainsi :

Bush croit en Dieu,
Olmert croit en Bush,
Nétanyahou croit en lui. Dommage car ses paroles justes sont étouffées sous un nuage de suffisance.

Poursuivons par un bref survol de la visite de Nicolas Sarkozy en Israël :

Carla a su ravir le cœur des Israéliens,
Sarkozy n’a pas convaincu,
On a pu vérifier une fois de plus que long est le chemin pour gagner la confiance, mais qu’un instant suffit pour la perdre.

Et pourtant, je persiste à croire que le Président Sarkozy est une grande chance pour la France, et qu’il peut l’être aussi pour le monde.
N’oublions pas qu’il y a seulement 6 ans, suite à des décennies d’une politique catastrophique des dirigeants de gauche comme de droite, Le Pen arrivait au second tour des élections présidentielles parce qu’il était le seul à cette époque à oser parler vrai sur l’état de la France, même si son discours était assaisonné au poison.
Et pourtant, les sondages n’ont rien vu venir car en France, la vérité fait peur. On préfère se voiler la face.

Et puis est arrivé le Sarkozy nouveau qui en exprimant tout haut ses convictions, a réussi à reléguer naturellement Le Pen aux oubliettes.

Depuis qu’il a pris ses fonctions comme Président de la République, il s’applique à relancer le moteur du pays après des années où l’on croyait qu’il suffisait d’être passager pour que le bus avance.

Côté émotion aussi, il produit français. Plus besoin d’aller chercher en Angleterre ou à Monaco pour assouvir sa soif de frasques amoureuses que tout le monde critique mais dont tout le monde raffole en cachette. Comment expliquer sinon que les ventes de la presse people soient en progression constante, + 8% en 2008?

Sarkozy est une révolution pour la France. Il va vite, il est jeune et ne le cache pas, il bouleverse complètement les règles vieillottes de ses prédécesseurs.

Pourtant, sa tâche est rude car il doit renverser la vapeur de 40 ans de dérive de la vie politique française.

Je pense que cette dérive à commencé dès 1967, lorsque le Général De gaulle a abandonné la morale pour ses intérêts. Lorsqu’il a lâché Israël pour initier la fameuse politique arabe de la France, politique qui fut reprise par tous ses successeurs.

On dit que « les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Mais est-ce que protéger ses intérêts doit être dénué de morale ?

Je vais aller encore plus loin au risque de surprendre, mais je suis aussi convaincu que De Gaulle a largement été à l’origine du soulèvement de mai 68. En effet, quelques mois plus tôt, et seulement 22 ans après la fin de la collaboration française aux horreurs nazies, De Gaulle décidait de lâcher la jeune démocratie israélienne pour lui préférer le pétrole et le marché arabe, ses despotes et ses dictatures. Loin de toute éthique, le Général mal inspiré envoya alors au peuple français un message en ces termes : « au diable la morale, je fais ce qui est bien pour moi » qui fut l’idée fédératrice sur laquelle reposa tout l’esprit de mai 68 et qui fait des ravages encore de nos jours.

Et c’est à cet esprit corrompu que Sarkozy s’attaque par des notions simples : qu’il suffit de travailler pour ne plus être chômeur, qu’il est aberrant de penser qu’en travaillant moins on va gagner plus, que lorsqu’on agresse une vieille femme, c’est la vieille femme qui est la victime, que le terrorisme ne s’explique pas, il se combat, etc.…

Mais voilà. Cela ne plait pas à tout le monde. Surtout à l’establishment en place.

Quand on donne un coup de pied dans la fourmilière, il n’est pas surprenant que les fourmis ne soient pas contentes, même si c’est pour leur bien.

Dans un pays où par tradition s’applique l’adage « quand on veut mener le peuple, il faut le suivre », il n’est pas étonnant que la presse sentant son pouvoir absolu de faiseuse d’opinion menacé, a largement attaqué le nouveau chef de l’état français.

C’est comme ça qu’après un an au pouvoir, Sarkozy ne bénéficie plus que de 33% d’opinions favorables. Et c’est là où le bas blesse.

Car soudain, le Président et son entourage sont saisis du doute : et si on faisait fausse route ? Et si on allait trop vite ? Et si, et si ?

Le doute s’installant, les convictions s’envolent : le discours se fait plus consensuel, moins convaincant, et remet la France dans sa position traditionnelle du « cul entre deux chaises. »

C’est ainsi que malgré son amitié sincère pour Israël, Sarkozy a raté son récent voyage dans l’Etat Juif en tenant des propos dans la lignée de ceux de ses prédécesseurs, histoire de ménager la chèvre et le chou.

Pourtant, il n’a aucune raison de douter. 40 années de fausse route ne se corrigent pas en seulement 12 mois.
Etre crédité d’un tiers d’opinions favorables quand on a entrepris de remettre la France sur les rails, c’est énorme. Surtout quand toute la journée, d'autres martèlent aux Français « les ratés du Président. »
Il dispose encore de 4 ans devant lui pour changer les esprits soumis à l’emprise néfaste des faiseurs d’opinions pour qui tous les coups sont permis. Ceux qui ont profité de mai 68 pour prendre le pouvoir, et qui s’y accrochent désespérément. Ceux qui font râler les Français sur leur quotidien mais qui critiquent toute réforme, laissant la France dans cet immobilisme qui leur convient bien.

« Il faut rechercher le bien du peuple et non satisfaire à ses désirs », disait David Ben Gurion
Ainsi s’exprime la sagesse des grands hommes qui font l’histoire.

Le doute a toujours été le principal ennemi des hommes de conviction.

J’espère que Nicolas Sarkozy saura le dissiper et reprendre rapidement son combat pour éloigner la France de ses démons qui la rongent depuis des décennies, et ceci, sans tomber dans le piège des sondages favorables à la France qui freine.

J’espère qu’il reviendra bientôt en Israël pour y tenir cette fois les propos d’un ami véritable, sûr de lui, mais pas dominateur.


..

lundi 16 juin 2008

Petite histoire d’orientation

Encore un épisode qui illustre la déliquescence de certains médias, leur méconnaissance des subtilités de la langue française, voire pire, leur mauvaise foi.

Il y a quelques temps, je me rendais sur un site d’information en ligne d’une chaîne de télévision publique, non pas pour avoir des nouvelles bien entendu, mais pour savoir comment ces dernières étaient retranscrites par nos journalistes présumés.

Je lis donc:

Un Palestinien a été tué alors qu’il lançait des pierres,

sans plus de précisions.
Encore une belle image qui alimente le mythe « des pierres contre des chars», « du faible contre le fort », « du pauvre contre le riche » si cher à nos amis en quête de clichés pour entretenir la haine et par conséquent, leur gagne-pain.

Je reprends donc les dépêches originales d’agences de presse sur lesquelles, en fait, deux versions s’opposent : d’après les sources palestiniennes d’une part, il lançait des pierres, mais d’après les sources israéliennes, il était armé. Tiens donc. Pourquoi le journaliste a-t-il cru bon d’omettre complètement la version israélienne, pour présenter la version palestinienne comme un fait avéré ?

Je contacte donc le rédacteur en chef et nous regardons ensemble les dépêches des agences de presse à partir desquelles a été tirée l’information. « Ah oui, me dit-il, vous avez raison, nous allons corriger. »

Satisfait d’avoir affaire à un homme honnête, j’attends patiemment la nouvelle mouture. Elle ne tarde pas à arriver. Cinq minutes après je lis :

« un Palestinien a été tué alors qu’il lançait des pierres. L’armée israélienne affirme qu’il était armé »


Je contacte à nouveau mon interlocuteur pour lui signaler que la nouvelle version est encore pire que la précédente.
« Ah, bon ? Pourquoi ? Les deux versions figurent maintenant ? Qu’est ce qui ne va pas ? » Me rétorque-t-il.

Je commence à me demander sérieusement s’il le fait exprès ou s’il le fait exprès (la répétition n’est pas une erreur: elle est tout à fait volontaire. Elle agit comme un décontractant devant ce qui m’apparaît de plus en plus comme de la mauvaise foi).

Lui laissant toujours le bénéfice du doute, j’entreprends de lui compléter les cours d'objectivité qu’il a certainement du rater quand il suivait l’école de journalisme.

« Mais Monsieur, lui dis-je, quand vous écrivez qu’il jetait des pierres sans mentionner votre source en l’occurrence palestinienne, le journaliste objectif que vous êtes sensé être, entérine cette version comme étant la vérité. Par conséquent, la présentation de la version contradictoire israélienne devient forcement un mensonge. »

Là, tout en restant poli, il me fait comprendre que je pinaille, que lui et son équipe essaient d’aller au plus bref, que les deux versions sont maintenant présentes, que leur présentation, à son sens, est identique, et que je devrais en quelque sorte, lui lâcher les baskets.

A ce moment là, je n’ai plus de doute : il le fait bien exprès.

J’ose alors une dernière requête: « Monsieur, puisque vous estimez que la présentation des versions est identique, je vous propose un compromis que nous satisfera tous les deux. Pourquoi n’écrivez-vous pas:


Un Palestinien armé a été tué. Des sources palestiniennes affirment qu’il lançait des pierres ».

Après un bref silence, il se souvient soudain qu’il a une réunion urgente et qu’il doit clore notre conversation.

« Certainement une réunion d’orientation », songeais-je.

La version défavorable à l’état juif restera inchangée.

Certes, ce n’est pas grand-chose.

Une goutte d’eau viciée dans la mer n’a jamais tué personne, mais une mer de gouttes d’eau viciée peut à la longue affecter les capacités de discernement de populations entières.

C’est ainsi qu’à force de boire la tasse, 59% des Européens considéraient Israël comme la « menace la plus sérieuse pour la paix dans le monde ».

Alain Legaret
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